Obstacles à franchir

Dépasser la peur // Dépasser les rôles // Confiance en soi // Faire « faux » // Patience // Force

Dépasser la peur

Il y a des inquiétudes à chaque étape pour les bricoleuse.x.s Couper une planche, percer un mur, c’est irrémédiable. On a peur de couper la planche trop courte, d’arriver dans le salon de la voisine avec la perceuse… Quelle force il faut pour oser se lancer !

« On ne peut pas racheter un mur comme on rachète une planche. »

Dani

Percer un mur, avec une perceuse, devient le symbole de l’émancipation : cela permet de s’affronter à la matière, d’être plus forte.x qu’un mur, alors qu’il semble invincible. Qu’y a-t-il derrière le mur, dans le mur ? Comment est-il fait, que va-t-on trouver ? Ne pas connaître la composition d’un mur, en béton ou en brique la plupart du temps, renforce l’inquiétude avant de se lancer. Il y a aussi la peur que ça ne tienne pas, que le crochet ou la vis ne soient pas assez bien fixés au mur, que l’étagère tombe, que tout s’écroule.

Bhavani, avait peur de « casser le mur ». Elle avait le projet de fixer une barre dans sa salle de bain, elle possédait tous les outils et le matériel nécessaire, mais elle n’osait pas le faire. Elle n’avait jamais utilisé de perceuse elle-même, et voyait des images de mur qui s’effondre, de catelles cassées, qui se décollent, de fuite d’eau gigantesque. Cette peur, qui inquiète et attire en même temps, a dû être apprivoisée, et était le défi principal à relever pour fixer cette barre.

Dépasser les rôles

La plupart des femmes n’ont pas ou peu été initiées au bricolage dans leur enfance. Il manque aussi de bricoleuse.x.s dans l’entourage, pour avoir des modèles. Et arrivée.x.s à l’âge adulte, le couple, souvent hétérosexuel, a empêché des vocations de bricoleuse.x.s. Si c’est le mari, ou le fils, qui bricole, il y a peu de raisons que les rôles s’échangent. De même, dans le cas de violences conjugales, le bricolage reste la chasse gardée du conjoint violent, manipulateur, car c’est un moyen de garder le contrôle de son environnement, de l’environnement du couple.

Confiance en soi

La confiance est ce qui permet de dépasser les peurs liées au bricolage. Elle est mise à mal en permanence : il y a un manque de confiance, au départ, et une dévalorisation qui opère dès qu’il y a une tentative de bricoler. Par exemple, certaines activités sont valorisées (menuiserie, plomberie, électricité…), car elles sont associées à des pratiques artisanes, professionnelles. Alors que monter des meubles en kit ou fixer une étagère au mur, ce n’est «pas vraiment du bricolage». Les bricoleuse.x.s, en véritables amatrice.x.s, admirent le travail fait par d’autres, et s’empêchent de se considérer comme bricoleuse.x.s, car elles dévalorisent leurs propres compétences.

Malgré de belles réalisations à leur actif, de nombreuses bricoleuse.x.s doivent être mises devant leurs réussites pour se sentir légitimes, pour être capables de se dire bricoleuse.x.s.

Faire « faux »

Le manque de confiance produit aussi la « peur de faire faux ».

« Les hommes réfléchissent moins, et ils ont plus confiance en eux, donc ils se lancent, et si ils se cassent la gueule c’est pas grave, ils ont le droit. Ils ont plus le droit à l’erreur. Ça, c’est un truc qui est général à mon avis, qui est pas uniquement lié au bricolage, c’est que les hommes se sentent plus autorisés à faire des erreurs. Une femme, elle doit être parfaite… et si elle arrive pas dès le début, elle a tendance à se dévaloriser. »

Mona

« Est-ce que je vais bien faire ? Et si je m’y lance, et que je rencontre des obstacles :  est-ce que c’est moi qui fais faux ? Y’a une question de confiance, j’ai l’impression que je fais jamais comme il faut. Et je me dis que c’est moi qui fais pas comme il faut, et que quelqu’un d’autre l’aurait bien fait, alors que, finalement, est-ce que c’est réellement ça ou pas ? »

Lou

« Est-ce que c’est réellement ça ou pas ? » Le doute est permis… C’est bien possible que les autres ne fassent pas mieux qu’elle. Il suffirait juste d’apprendre à faire, par exemple.

Patience

Le temps donné à l’apprentissage est un élément qui favorise la confiance en soi. Il vaut mieux apprendre seulement quelques techniques que l’on peut faire soi-même, et prendre le temps de les pratiquer : « on peut faire beaucoup de choses, il faut juste avoir le temps d’apprendre doucement. » (Mona)

Nous avons besoin de temps pour apprendre à réaliser, mais aussi du temps en amont, pour imaginer et prévoir. Alors, il faut bien réfléchir à comment s’y prendre, élaborer les étapes avant de se lancer. Ce temps doit devenir l’allié des bricoleuse.x.s : même si on passe du temps au début, on en gagne après, car ça devient plus facile. Si l’on ne prend pas le temps de « mesurer, tracer, tenir compte des consignes », les réparations ne tiennent pas longtemps, ou ne marchent pas. Ensuite, il y a facilement ce sentiment qui domine : on se considère incapable et on se dévalorise.

Bricoler demande du temps, et il faut en trouver dans les agendas souvent déjà pleins !

Force

La confiance est aussi une confiance en ses mains, en ses bras, en ses muscles (voir aussi Le mythe de la force). Force et confiance peuvent être synonymes. C’est comme s’il fallait de la force pour bricoler, mais un certain type de force. La « force dans les mains », ce n’est pas la même que la force pour porter (par exemple pour porter des sacs de courses).

Avoir confiance en ses capacités, c’est aussi une force. Bricoler et le faire savoir autour de soi, à ses proches, c’est encourageant pour tout le monde, car on a besoin d’exemples concrets, de se dire que c’est possible ! Le monde sera différent lorsque l’on aura beaucoup de bricoleuse.x.s autour de nous, des jeunes, des âgée.x.s, des valides, des handie.x.s, des presque-pro et des bricoleuse.x.s du dimanche, des pessimistes qui y arrivent quand même, et des optimistes avec des projets plein la tête…

« Maintenant, je… comment dire… j’ai vraiment confiance en moi. Avant j’avais pas confiance en moi, j’avais peur : « Comment je fais ? » Maintenant, j’ai envie de faire tout. (Silence) C’est vrai, ça a vraiment changé. Maintenant je suis un peu… forte. Oui, je me sens forte. »

Oyona

D’autres pages sur ce sujet:

Le mythe de la force
La sociologue Stéphanie Gallioz nous invite à réfléchir à la construction de deux «mythes» sur lesquelles se basent les métiers du bâtiment : la «femme fragile» et la «force faite homme».

Témoignages
Des témoignages de situations dans lesquelles des hommes cis nous empêchent de nous sentir légitimes de bricoler.


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